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Jean-Christophe Rufin raconte son confinement
Par Stéphanie SOUEIX DE PONDAU • Publié le 07/04/2020
Berry Républicain - Publié le 02/04/2020 à 11h00
« Confiné chronique » et « de luxe », sport, écriture... L'écrivain berruyer Jean-Christophe Rufin raconte son confinement

Médecin, écrivain, membre de l’Académie française, ancien diplomate, voyageur. Natif de Bourges, Jean-Christophe Rufin est confiné dans son chalet alpin de Saint-Nicolas-de-Véroce, sur les hauteurs de Saint-Gervais (Haute-Savoie). À 1.400 mètres d’altitude, il a vue sur le Mont-Blanc et nous raconte son confinement.
Prix Goncourt 2001 pour Rouge Brésil, l’écrivain est revenu d’un séjour de deux mois dans ce pays, pour une promotion de son nouveau livre dont la sortie a été ajournée.
« Quand ce fut l’heure du confinement, j’ai hésité à venir à Bourges, mais mon appartement n’était pas prêt alors je suis allé dans mon chalet, en Haute-Savoie, où je vis la moitié de l’année. J’ai bien conscience d’être un confiné de luxe, mais aussi un confiné chronique car j’ai l’habitude de m’enfermer ici pour l’écriture. »
Jean-Christophe Rufin, 67 ans, entame sa troisième semaine de confinement sans rester les bras croisés. «J’ai un texte qui paraît dans Paris Match cette semaine. Je réponds à des interviews (il était mercredi matin sur France Culture, NDLR). Par contre, étant privilégié, j’ai refusé de faire un journal de confinement pour que des personnes dans un deux-pièces me lisent. J’ai de la chance d’avoir un grand espace. »
Par contre, l’académicien ne peut plus marcher en montagne, le préfet ayant interdit tout sport de haute montagne. « Je peux quand même me balader. Vous savez, il n’y a personne. La montagne est complètement vide. À part contaminer les sangliers, je ne vois pas où on peut faire des dégâts… »
Toujours Berrichon de coeur, Jean-Christophe Rufin n’est pas non plus considéré comme un pestiféré par les voisins. « J’ai ce chalet depuis vingt ans. Je viens longtemps et souvent. »
Le confinement se passe avec des lectures. « Des nouveautés, car je suis membre de jurys comme le prix Orange. Je lis, aussi, des vieilleries, comme Moll Flanders de Daniel Defoe. C’est un roman picaresque sur une femme qui vit en Angleterre. J’ai relu aussi Le Jardin des Finzi-Contini de Giorgo Bassani. Je trouve que le livre qui correspond le plus à la situation actuelle, est Le Hussard sur le toit de Jean Giono. Cela parle d’une épidémie de choléra, mais avec de l’espoir, de la jeunesse, du bonheur. »
Les distances réglementaires l’amènent à freiner sa nature « tactile ». « C’est pénible de se parler de loin, moi qui suis assez physique notamment dans mes relations à travers le sport. Mais il faut bien prendre conscience des distances à respecter », confie-t-il.
Le confinement n’est, pour l’heure, pas propice à l’écriture. « Je n’ai pas encore tourné la page de ce livre qui devait sortir. C’est donc difficile de partir sur un autre projet. Je travaille mes carnets de voyages liés au séjour au Brésil. Si mon mode de vie est semblable, ce n’est pas du tout la même chose au niveau intellectuel.
Je n’arrive pas à débrancher de l’actualité. Donc l’écriture, ce sera plus tard. »
En tant qu’ancien médecin, il a proposé son aide au service de réanimation en bas de chez lui, mais on lui a dit qu’il n’y avait pas de tension dans cette région. « Cela me rend triste, mais je ne serai pas utile et ce n’est pas ma spécialité. »
Nous avons profité de notre entretien pour lui demander ses choix culturels actuels. « Pour la musique je suis avec une amie pianiste et guitariste. J'entends du Chopin toute la journée. Cela me plaît beaucoup. On chante aussi », dit-il.
Côté film, le couple regarde Tous les matins du Monde d'Alain Corneau. « C'est déjà un roman de Pascal Quignard, ensuite c'est un film sur la musique, sur l'enfermement, qui se demande comment l'art peut se suffire à lui-même. Je trouve que cela colle très bien à notre situation ».
Pour l'oeuvre, Jean-Christophe Rufin penche pour le travail de Gustave Courbet. « Il me touche beaucoup .
En travaillant sur un projet de livre, j'ai relu ce qui s'est fait en matière d'engagements révolutionnaires.
Gustave Courbet était très engagé. Il a, d'ailleurs, fini sa vie exilé en Suisse. Puisse la crise sanitaire remettre en question le système. »

François Lesbre

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